De la bioéthique à l’éthique clinique
De nombreux abus, dont les premiers événements remontent à la Seconde Guerre mondiale, ont donné naissance à la bioéthique, un domaine de réflexion philosophique s’intéressant aux activités médicales et de recherche concernant l’humain. Suite au procès des médecins de Nuremberg, pendant lequel le public a pu prendre connaissance des atrocités perpétrées par les nazis, fut adopté le Code de Nuremberg (1947). D’autres instruments normatifs internationaux, tels que la Déclaration d’Helsinki en matière d’expérimentation biomédicale (1964), ont par la suite fait leur apparition. Historiquement, la bioéthique fut surtout axée sur la protection des sujets de la recherche.
Dans les années 1970, la bioéthique était essentiellement portée par des philosophes et des théologiens. Telle que développée, elle était peu applicable à la réalité de la clinique. Il était devenu nécessaire que les cliniciens se réapproprient l’éthique clinique.
L’éthique clinique
L’éthique clinique nait directement des problématiques morales qui apparaissent en clinique. C’est la clinique qui appelle la réflexion éthique. À ce titre, elle fait donc partie intégrante de la médecine dont elle est une branche du raisonnement moral. Dans ce sens, Mark Siegler, pionnier de l’éthique clinique, disait en 1982 qu’une « Bonne médecine clinique est [une] Médecine Éthique ».
Cette définition est rejointe par plusieurs éthiciens, dont Guy Durand, au Québec qui la définit ainsi :
- L’éthique clinique ne concerne pas que les médecins, mais aussi les équipes de soins et l’entourage.
- L’éthique clinique ne concerne pas que les conflits de valeurs et les dilemmes, mais le comportement au quotidien : les décisions, les gestes communs, les attitudes, le questionnement incessant.
- L’éthique clinique ne se limite pas à déterminer le prescrit, le permis, le toléré ou le défendu; elle est centrée sur la recherche de l’optimal, de ce qui est préférable pour ce cas-ci, de ce qui est le meilleur possible pour ce cas-ci, et non dans l’absolu.
Il existe de nombreuses approches en éthique clinique : la casuistique, l’éthique déontologique, l’éthique du care ou de la sollicitude, l’éthique de la vertu et l’éthique utilitariste pour ne nommer que celles-ci. Ce qu’il importe néanmoins de rappeler est que, quelle que soit l’approche retenue, l’éthique clinique s’inscrit directement dans la pratique du soignant et en fait partie intégrante.
La vision du Bureau de l’éthique clinique
La Faculté de médecine de l’Université de Montréal et le Bureau de l’éthique clinique souhaitent que l’éthique clinique fasse partie du mode réflectif en médecine, notamment en l’intégrant intimement à la formation des futurs professionnels de la santé. Loin d’être une simple compétence à acquérir ou à développer, l’éthique clinique doit s’inscrire comme culture de la pratique quotidienne de la médecine, et ce, dès le début du parcours de l’étudiant afin de participer à son savoir-faire (habiletés) ainsi que son savoir-être (attitudes). L’objectif est d’exercer la capacité de questionnement et d’analyse des situations complexes vécues par les cliniciens afin de les guider dans l’exercice de leur art. L’éthique sort conséquemment de la théorie afin de devenir clinique et ne doit plus être perçue comme une dimension extérieure à la pratique.
La formation en éthique clinique offerte à l’étudiant en médecine de l’Université de Montréal devra lui permettre de devenir un clinicien capable d’articuler un raisonnement éthique au chevet du patient en s’appuyant sur une connaissance suffisante de ce qu’est l’éthique clinique et des bases théoriques qui la soutiennent. Ainsi, le mode réflexif des médecins intègrera la dimension éthique comme une culture qui porte une façon d’être et de se comporter au quotidien en partenariat avec le patient, le collègue ou la société, intégrée dans les valeurs les plus inspirantes et les plus humaines de la profession.